Les violences sexuelles commises sur les personnes mineures représentent une réalité persistante, qui touche chaque année des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents, avec des conséquences dévastatrices sur leur santé, leur développement et leur avenir.
L’ampleur et la réalité des violences faites aux mineur·es
Selon l’enquête Inserm-Ciase en 2021, 12,9% de femmes et 5,5% des hommes déclarent avoir subi des violences sexuelles physiques (attouchements / agressions ou viols) avant l’âge de 18 ans, ce qui correspond à peu près à 5,4 millions d’adultes (CIIVISE). 40% de ces violences sont survenues avant l’âge de 11 ans.
En France, la CIIVISE compte 160 000 mineur·es sont victimes de viol ou d’agression sexuelle chaque année.
Les violences faites aux filles
Les filles, en raison de leur minorité et de leur vulnérabilité, sont particulièrement exposées à certaines violences spécifiques, souvent ancrées dans des traditions ou des pratiques culturelles. Par exemple,
- Les violences intrafamiliales notamment l’inceste : selon l’enquête Inserm-Ciase, 2021, 4,6% des femmes interrogées déclarent avoir subi, avant l’âge de 18 ans, des violences sexuelles physiques (attouchements ou viols) de la part d’un membre de leur famille.
- Les viols : selon la CIIVISE qui se base sur les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), parmi les mineur·es victimes de violences sexuelles physiques enregistrés par les services de police et de gendarmerie, 80% sont des filles.
- Les mutilations sexuelles féminines qui consiste en une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de la femme ou fille ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons non médicales (OMS). Cela inclut la clitoridectomie, l’excision et l’infibulation. Selon l’association, Excision, parlons-en, dans la majorité des pays concernés, les femmes ont été excisées avant l’âge de 15 ans.
- L’exploitation sexuelle des mineur·es : en 2024, 153 victimes ont été signalées à la DIFAJE (Division de la famille et de la jeunesse) pour proxénétisme ou suspicion de prostitution. Parmi elles, 148 étaient mineures (97%), dont 143 filles (97%).
Le contexte de la violence évolue avec l’âge. Selon l’enquête Inserm-Ciase en 2021,
- Avant 10 ans, les violences sont principalement incestueuses, c’est-à-dire commises par un membre de la famille ou un·e ami·e de la famille.
- Entre 11 ans et 14 ans, les violences interviennent de manières équivalentes au sein de la famille, par un·e ami·e de la famille et dans les autres situations (un·e partenaire / ami·e, inconnu·e dans l’espace public, par une personne travaillant au contact de personnes mineures, …).
- Entre 15 et 17 ans, les violences surviennent principalement dans les autres situations et notamment le partenaire ou ami·e avec les premières relations de couple.
Les violences faites aux garçons
Les violences faites aux garçons sont souvent sous-estimées – ce qui rend le parcours d’aide plus complexe – mais ils sont également exposés à des violences sexuelles. Par exemple,
- Les violences incestueuses : un grand nombre d’agressions sexuelles sur les garçons ont lieu dans le cadre familial, notamment par des proches (père, mère, oncle, frère, grand-père, grand-mère, cousins, …). D’après une enquête de l’INED de mai 2025, 43% des hommes déclarent que ces violences sexuelles ont eu lieu dans la famille et l’entourage.
- Les violences dans des institutions : certains subissent des violences sexuelles dans des structures éducatives, sportives ou religieuses où le silence est souvent imposé par la hiérarchie. Parmi les hommes déclarant avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, 17 % déclarent qu’elles ont eu lieu dans le milieu scolaire.
- Les violences sexuelles entre pairs : parfois sous forme de bizutage, de défis ou de rapports de domination. D’après un rapport de l’UNESCO, dans le cadre sportif, 11% des athlètes professionnels (hommes) déclarent en avoir été victimes durant leur enfance, dans le cadre de leur pratique sportive.
Le contexte de la violence évolue avec l’âge. Selon l’enquête INED de 2025,
- Entre 0 et 9 ans, les violences ont lieu le plus souvent au sein de la famille et dans l’entourage proche, soit des personnes côtoyées quotidiennement..
- Entre 10 ans et 13 ans, les auteurs appartiennent à un cercle plus large, par exemple la famille éloignée.
- À l’adolescence, les violences se déplacent vers le milieu scolaire et ceux des loisirs (cercle amical, sport, activités en lien avec la pratique religieuse)..
Le cadre légal de la protection des mineur·es
La loi encadre les situations impliquant des mineur·es afin de mieux les protéger contre les violences.
La loi dite « Schiappa » de 2018
La loi du 3 août 2018, dite « loi Schiappa », a constitué une avancée importante dans la protection des enfants. Portée par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, et Nicole Belloubet, ministre de la Justice, elle a été adoptée à l’unanimité.
Elle a introduit des outils inédits pour mieux prévenir, dissuader et punir les violences sexuelles :
- Le délai de prescription des crimes sexuels sur mineur·es est passé à 30 ans après la majorité de la victime (au lieu de 20 ans).
- Un renforcement des protections pénales pour les mineur·es en cas d’abus sexuels, notamment lorsque l’auteur occupe une position d’autorité ou qu’une différence d’âge crée une contrainte morale, même sans violence physique.
L’encadrement légal des relations avec les personnes mineures
Depuis la loi du 21 avril 2021, la protection des mineur·es a été renforcée grâce à un principe essentiel : la présomption de non-consentement. Concrètement, tout acte de pénétration sexuelle ou tout acte bucco-génito commis par une personne majeure sur une personne mineure de moins de 15 ans constitue un viol si l’auteur·e a au moins 5 ans de plus que la personne victime. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de démontrer la présence de menace, de surprise, de contrainte ou de violence. Cette présomption est encore plus stricte en cas d’inceste : elle s’applique jusqu’à 18 ans.
La loi prévoit cependant une exception, connue sous le nom de « clause Roméo et Juliette ». Elle ne concerne pas les relations sexuelles librement consenties dans les jeunes couples dont la différence d’âge est de moins de 5 ans. En effet, cela vise à protéger les relations sexuelles consenties entre un·e mineur·e de 14 ans et un·e majeur·e de 18 ans et demi qui, parce qu’il/elle devient majeur·e, commettrait un crime au regard du Code Pénal. Cette exception ne peut toutefois pas être invoquée en cas d’inceste, d’absence de consentement ou de prostitution.
Cette disposition soulève encore certaines difficultés. Lorsqu’un·e jeune majeur·e (18-20 ans) commet des violences sexuelles sur un·e mineur·e de 15 ans en dehors d’un cadre amoureux, l’écart d’âge étant inférieur à cinq ans, la personne victime doit à nouveau prouver son absence de consentement. C’est le cas, par exemple, de violences qui peuvent survenir dans une fratrie.
L’impact des violences sur les mineur·es
En raison de leur dépendance aux adultes et de leur développement physique, émotionnel et cognitif encore immature, les enfants sont particulièrement vulnérables face aux violences. Cette fragilité favorise des réactions de sidération et des mécanismes de dissociation qui peuvent être plus marqués et durer dans le temps.
Le Centre National de Ressources et de Résilience souligne que des traumatismes répétés dans l’enfance ne marquent pas seulement le corps et l’esprit : ils altèrent le développement de l’individu, de la perception et de l’image de son corps, jusqu’aux déclinaisons du sens de l’humanité, des autres humains et donc de la société dans laquelle il/elle évolue.
De plus, la CIIVISE explique que les mineur·es ayant subi des violences sexuelles présentent des taux élevés de troubles psychiques et somatiques tels que :
- Les tentatives de suicide (environ 50% des personnes interrogées) ;
- Les dépressions à répétition (environ 50% des personnes interrogées) ;
- Les conduites addictives (entre 30% et 50%)
- Les troubles alimentaires (anorexie, boulimie et obésité) ;
- Les conduites à risque ;
- La mise en danger (scarifications, auto-mutilations, jeux dangereux, sport extrême, conduites sexuelles à risque, etc.).
Questions fréquentes
À partir de quel âge un·e mineur·e peut-il·elle consentir à une relation sexuelle ?
Depuis la loi du 21 avril 2021, tout acte sexuel commis par une personne majeure sur un·e mineur·e de moins de 15 ans est considéré comme un viol si l’auteur·e a au moins 5 ans de plus que la victime. En cas d’inceste, ce seuil est fixé à 18 ans.
Qu’est-ce que la “clause Roméo et Juliette” ?
Il s’agit d’une exception qui protège les relations amoureuses et sexuelles librement consenties entre jeunes lorsque l’écart d’âge est de moins de 5 ans.
Quel est le délai de prescription pour les violences sexuelles commises sur mineur·es ?
Depuis la loi Schiappa de 2018, la prescription des crimes sexuels commis sur des mineur·es est fixée à 30 ans après leur majorité. Concrètement, une victime a jusqu’à ses 48 ans pour porter plainte. Il existe d’autres mécanismes juridiques complexes à propos de la prescription. Il convient de consulter un·e avocat·e sur ces questions.
Qu’en est-il des violences commises par de jeunes majeurs (18-20 ans) sur des mineur·es de 15 ans ?
Lorsque l’écart d’âge est de moins de 5 ans, la clause « Roméo et Juliette » de la loi du 21 avril 2021 s’applique. La présomption de non-consentement ne s’applique pas automatiquement et la victime doit encore démontrer la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Cela reste une zone complexe et problématique dans l’application de la loi.
Est-ce que la police peut interroger un·e mineur·e sans ses parents ?
Lorsqu’un·e mineur·e est entendu·e par la police, il ou elle a le droit d’être accompagné·e par les titulaires de l’autorité parentale. La présence de ces derniers est possible si les enquêteurs considèrent qu’elle est utile au bien-être du/de la mineur·e et qu’elle ne met pas en difficulté le déroulement de la procédure. Dans certains cas, un·e “adulte approprié·e” peut être désigné·e pour accompagner la personne victime mineure, afin de ne pas être seule.

